La plaine Damar était un territoire vaste, quoi que loin d’être aussi vaste que les déserts sans fin de Zoflie. Mais elle était toutefois assez éloignée du territoire du clan pour fournir un panorama de proies relativement intéressantes. Plusieurs années s’étaient écoulées depuis leur arrivée sur ce nouveau territoire et, comme on avait pu le prévoir, les créatures de cette planète s’était faites à la présence de ce nouveau prédateur qu’était le peuple Mizar Kappa et avaient commencé à fréquenter d’autres zones. Il fallait donc aller plus loin lors des chasses, ce qui avait eu comme point positif de force l’exploration de ces terres. Sans chercher à se les attribuer, le clan les connaissait toutefois plutôt bien et leur avait donné des noms distincts. La plaine Damar était l’un de ces lieux, explorés mais pas convoités pour un établissement continu.

Le point négatif de ces chasses, c’était que la distance à parcourir était plus longue pour ramener la nourriture sur le territoire du clan, qu’il fallait presque forcément s’y rendre à plusieurs chasseresses pour pouvoir ramener suffisamment de quoi manger. L’activité que Sca’lai aimait à faire en solitaire, elle se trouvait forcée de coopérer avec d’autres femelles. Ça n’était pas qu’elle en soit incapable. Non. Tout au contraire, les chasses étaient très efficaces quand plusieurs femelles du clan se réunissaient. Non. Ce qui l’ennuyait, c’était de ne pas pouvoir explorer à sa guise.

Elle avait quitté le campement avec quatre autres femelles. Il y avait Rnyoggn, une femelle encore toute jeune pour qui cette chasse était encore un apprentissage. L'sogol et sa sœur épouse Kegurnoli étaient également présentes. Mariées au même mâle depuis plus de 48 années, elles avaient développé une complicité étonnante sur bien des aspects. Et il y avait Achomotth, l’épouse du chef de clan avec qui Sca’lai n’avait jamais partagé rien de plus que des salutations d’usage. Elle avait déjà chassé avec les deux sœurs épouses, et elle avait déjà donné une ou deux leçons de combats à la jeune femelle, mais jamais elle n’avait été très longtemps dans le même espace que la première femelle du clan. Elle n’en ressentait pas de nervosité. Sca’lai avait toujours jouit d’un bon statut au sein du clan grâce à ses accomplissements passés et le rang d’un autre Mizar Kappa, plus élevé ou non, n’avait jamais été quelque chose de stressant. Non. La seule chose qui l’inquiétait avec Achomotth, c’était justement qu’elle ne savait rien de ses méthodes de chasse. Et à sa connaissance, aucune des femelles présentes ne pouvait se targuer d’en savoir plus qu’elle.

« J’ai senti l’odeur d’un colosse. »

C’était Rnyoggn qui avait émit ces sons. Tout le monde l’avait senti. Mais par un consensus muet, on laissait à la jeune l’occasion de faire ses preuves. Les colosses n’étaient pas une créature en particulier. Pour leur peuple, un colosse était n’importe quelle bête plus haute et plus large qu’un mâle de leur peuple. Cette fois, à l’odeur, Sca’lai pouvait deviner qu’il s’agissait d’un troupeau de ses grands colosses bossus aux longues pattes. C’était une bonne proie. Il serait aisé d’en ramener plusieurs au campement, et leur taille – sauf pour les jambes qui sont trop maigres – promettait un bon ravitaillement.

Lors des chasses, on privilégiait le langage des signes à celui de la gorge. Avec des gestes précis, Sca’lai suggéra l’enclume et le marteau. Trois femelles dépassent le troupeau en prenant garde de rester loin du sillage olfactif des colosses, les deux autres attendent la mise en place de l’enclume pour aller frapper par l’arrière, semant le chaos dans le troupeau et assurant au moins une dizaine de prises, ou plus encore. Elle consulta tout le monde du regard. Tout le monde donna son approbation. Elle fixa son regard sur Achomotth, attendant la sienne.